« Albert nous parle » évoque le parcours de ce grand journaliste, à travers la lecture de ses articles par des grands noms de la scène artistique.

Écouter, déguster la langue du journaliste Albert Londres. S’il ne fallait qu’une seule raison à la création d’un podcast évocateur de la trajectoire du reporter, celle-là se suffirait déjà à elle-même. Son style, son art du récit, sa volonté donner à voir les « invisibles » et de témoigner de son époque ont fait sa singularité, explique la place que tient encore Albert Londres dans le monde du journalisme.

De grandes voix (André Dussollier, Macha Makeïeff, Pierre Arditi…) interprètent les textes d’Albert Londres, le père du grand reportage moderne. Son style, les images qu’il fait naître, son regard inédit, son talent d’enquêteur… Ces textes sont présentés par Anne Poiret (Prix Albert Londres 2007) et mis en perspective par Hervé Brusini (président du Prix Albert Londres, Prix 1991). Cette série de dix épisodes est initiée à l’occasion des 90 ans de sa disparition, le 16 mai 1932, dans le golfe d’Aden.

Episode 1 – Le style d’Albert Londres, avec André Dussollier


La référence du journalisme, celui que l’on surnomma le prince des reporters, se voyait poète. De fait, le style sera sa marque de fabrique, celle d’un journaliste, poète du réel.

Engagé au Matin, l’un des quatre grands quotidiens nationaux parisiens, en 1906, Albert Londres y est devenu reporter de guerre huit ans plus tard. En septembre 1914, les Allemands pilonnent la cathédrale de Reims, et Albert Londres est là. Dans son papier intitulé « Ils bombardent Reims », il fait de tous ses lecteurs, les témoins de l’extrême violence du moment. Huit jours plus tard, il revient sur les lieux. L’article est alors une ode à l’édifice devenu le corps d’un être blessé à mort, une quintessence de la poésie du réel.

Episode 2 – Le regard d’Albert Londres, avec Macha Makeïeff


De l’acuité du regard du grand reporter dépend ce qui fera l’information de demain. Albert Londres choisi de « regarder ce que personne ne veut regarder ». Ce sens de l’observation engagée, Albert Londres l’exerce au bagne à Cayenne, sur les trottoirs de Buenos Aires, « chez les fous »… En 1927, il s’immerge dans Marseille, scrutant chaque détail de cette « ville monde » et de son port. Place de la Joliette, il se fond parmi les dockers et raconte le spectacle d’un prolétariat invisible. Ses 14 articles, publiés dans Le Petit Parisien, deviennent un livre « Marseille, La Porte du Sud ».

Episode 3 – La concurrence, avec Annick Cojean et Pierre Deladonchamps


Dans l’entre-deux guerres, Albert Londres est déjà une légende pour les journalistes de son époque. Mais il n’est pas sans concurrence. Parmi les grands noms publiés dans les cinq quotidiens nationaux, il en est un que l’on a oublié : Andrée Viollis. Pourtant, l’une et l’autre s’admiraient, se croisant sur les terrains les plus difficiles. La reporter Andrée Viollis a traversé la guerre civile irlandaise, les grands procès de son époque, et jusque la Russie bolchévique qu’elle a parcourue de long en large. Elle excellait dans l’art d’être la première. Ce qui agaçait ses confrères.

Episode 4 – La disparition d’Albert Londres, avec Robin Renucci


Le 5 mars 1932, Albert Londres télégraphie son dernier article de Chine, au quotidien Le Journal. Il est à Shanghai, en pleine guerre sino-japonaise, et s’apprête à rentrer en France. Il embarque sur le paquebot Georges Philippar avec 730 passagers. Il ne verra jamais le port de Marseille. Le navire prend feu au large de la corne de l’Afrique, incendie qui suscite toutes les théories les plus délirantes. Albert Londres affirmait avoir réalisé une enquête « explosive ». Attentat politique, règlement de compte mafieux ou simple court-circuit ? Retour sur son dernier article où il dénonce une fake news.

Episode 5 – La formule choc, avec Sandrine Bonnaire et Julie Gayet


L’écriture d’Albert Londres est truffée de phrases chocs. Ajustés comme jamais, les mots percutent et marquent les esprits. Il met ce sens de la formule au service de son indignation et de sa colère. Certaines phrases sont restées célèbres. Il faut en réécouter d’autres pour mesurer son talent.

Episode 6 – Le redresseur de torts, avec Pierre Arditi


Albert Londres est bien plus qu’un « flâneur salarié », selon l’expression de l’un de ses amis. Il va là où il faut, pour témoigner des violences faites aux autres. Cette vérité tordue, humainement insupportable, qu’il est urgent de dénoncer, il s’y confronte, physiquement, sur le terrain. En 1923, il part à Cayenne, pour comprendre le bagne. Il y découvre un système de violence à perpétuité, il le décrit dans toute son absurdité mortelle. Obtenir sa fermeture sera l’un de ses grands combats.

Episode 7 – Le risque, avec Nicolas Lormeau


Il n’était pas fanfaron, tout le contraire d’une tête brulée, plutôt du genre à dire « ouf, on s’en est sorti » une fois le danger passé. Reporter de guerre, durant la première guerre mondiale, et un peu partout sur le globe, il est passé plus d’une fois prêt d’un danger mortel. Si ses émotions trouvaient place dans ses textes, sa peur demeura toujours un sujet.

Episode 8 – Le voyage selon Albert Londres, avec Philippe Torreton


Pas de reportage sans voyage. C’est un impératif : être là où l’histoire avec un petit ou grand H se déroule. L’enquête est à ce prix. Au temps des paquebot et du chemin de fer, Albert Londres part au Japon, en Chine, en Argentine, au Congo. Chaque reportage se compte en mois. Mais partir est avant tout un plaisir pour l’envoyé spécial. Au point que les plus grandes joies du quotidien n’ont jamais autant d’attrait à ses yeux qu’un billet de train.

Episode 9 – L’engagement d’Albert Londres, avec Gaël Faye


En 1928, au sommet de sa célébrité, Albert Londres convainc le Petit Parisien de financer un long reportage en Afrique dans les colonies françaises. Après André Gide, il documente la tragédie du Congo-Océan et pointe l’asservissement des travailleurs noirs. Ni carnet d’ethnologue, ni dénonciation du système colonialiste, ses 24 articles relèvent de l’examen clinique, d’une administration indifférente au traitement indigne infligé aux noirs, et des petits blancs sûrs de leur droit d’exploiter impunément les populations locales. Il en tire un livre « Terre d’ébène » où il affirme que le journalisme consiste à porter « la plume dans la plaie ».

Episode 10 – La censure et le bourrage de crâne, avec Lydie Salvayre


Propagande et désinformation étaient l’autre champ de bataille d’Albert Londres. Le reporter persistait à vouloir faire son travail, pendant la « grande guerre », même si personne ne pouvait le lire. La censure du gouvernement Aristide Briand, qui pour « protéger » le moral des Français taillait à coup de ciseau dans les journaux, l’exaspérait. Il en témoigne dans ses lettres à sa famille. Jamais il n’a renié sa liberté de pensée et son indépendance de journaliste.

Une production wave.audio pour le Prix Albert Londres.
Présentation : Anne Poiret, sur un texte d’Hervé Brusini.
Réalisation : Guillaume Girault
Production : Isabelle Duriez